Cameroun - Environnement. Concessions foncières: Les américains s’emparent «gratuitement» de 73 086 hectares de terres dans le Sud-Ouest

André Som | Aurore Plus Mercredi le 14 Mars 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Le Centre pour l'Environnement et le Développement a publié en mi février un rapport sur la concession foncière de la SG Sustainable Oils Cameroon. Il met en relief l'épineuse question de l'occupation foncière à grande échelle au détriment dès populations autochtones.

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I- Le piège des accaparements fonciers

Avec l’envahissement de l’Afrique subsaharienne par les industriels asiatiques et occidentaux, notamment dans les secteurs de production, où les investisseurs sont à la conquête de nouvelles terres arables, il ne fait pas de doute que le Cameroun est lui aussi exposé au phénomène des accaparements fonciers à grande échelle. Selon des estimations de la Banque mondiale, la demande en terres arables augmentera au cours des prochaines années, et environ 6 millions d'hectares de terres seront mis en valeur chaque année jusqu'en 2030. Deux tiers de ces supers proviendront de l'Afrique au Sud du Sahara et de l'Amérique du Sud, régions où l'on retrouve encore de vastes superficies de terres non exploitées.

On comprend pourquoi, les investisseurs comme SG Sustainable Oils Cameroun PLC (Sgsoc), ont vite fait d'obtenir en septembre 2009 de l'Etat du Cameroun une superficie de 73.086 hectares dans les départements du Ndian et du Koupe-Manenguba dans la région du Sud-ouest du Cameroun pour un bail foncier emphytéotique de 99 ans. La société Sgsoc est détenue à 100% par l'entreprise américaine Herakles Farms, entreprise affiliée à Herakles Capital, une entreprise privée d'investissement focalisée sur l'Afrique et travaillant dans les secteurs des télécommunications, de l'énergie, dg infrastructures, des mines et de l'agro-industrie. Sa concession porte sur l'exploitation du palmier à huile dans la région du Sud-ouest du Cameroun, par la création d'une grande plantation industrielle de palmiers à huile et d'une raffinerie. A partir du cas de la société Sgsoc, le rapport présente les problèmes auxquels sont exposés les communautés, l'environnement, et l'ensemble de la communauté nationale dans le cadre de projets de grandes plantations industrielles. Les conclusions tirées de cette étude de cas sont valables pour les autres les concessions foncières déjà exploitées ou récemment attribuées au Cameroun. Selon Brendan Schwartz, co-auteur de l'étude, «Le rapport est un appel à la prudence dans l'attribution des concessions à grande échelle an Cameroun. Mal conduits, ces projets peuvent se transformer en hypothèques durables pour le développement. Les tendances actuellement observées montrent qu'ils rapportent finalement bien peu de revenus à l'Etat et aux communautés, créent parfois moins d'emplois qu'ils détruisent, et imposent des restrictions à l'accès des populations à la terre et aux ressources, principaux moyens de subsistance des communautés rurales».

L'analyse de cette concession, a permis d'identifier les problèmes : - La qualité de l'étude d'impact sur l'environnement reste faible. «Par exemple la concession foncière de la Sgsoc est située dans un lieu de grande valeur pour la biodiversité, à proximité de quatre aires protégées (le parc national de Korup, les monts Rumpi, le Mont Bakossi et le sanctuaire de faune de Bayang-Mbo). Cet espace abrite des douzaines d'espèces en voie d'extinction, et la zone entre les aires protégées est un important couloir de migration des espèces animales de la région. Le projet Sgsoc affectera durablement, et sans doute de manière irréversible, cette dynamique locale de la faune Pourtant le projet présente ces forêts à haute valeur pour la conservation comme des forêts dégradées.» - Le non respect des normes internationales - Le contrat, une hypothèque aux droits :«A titre d'exemple, les directives interdisent l'utilisation de forêts à haute valeur pour la conservation pour la plantation du palmier à huile.»

Enfin, Le contrat signé est une hypothèque aux droits. «A sa lecture, il est claire qu'il est particulièrement favorable à l'investisseur. Celui-ci paie en effet un loyer des plus modestes (entre 250 et 500 francs CFA par hectare et par an), et reçoit des droits bien plus étendus que le seul droit de planter : il obtient ainsi le droit de prélever des ressources naturelles se trouvant sur les terres concédées (eau, gravier; pierre, et reine les droits sur le carbone, qui pourrait être valorisé dans le seul intérêt de l'entreprise). De plus, la fiscalité est particulièrement favorable à la compagnie, qui peut techniquement choisir le moment où elle commencera à payer ses impôts. Enfin, le contrat donne à l'entreprise le droit d'arrêter et de détenir toute personne violant les limites de la concession, et s'applique, même s'il est contraire aux lois nationales.» Pour Samuel Nguiffo, l'un des co-auteurs du rapport, «Ce contrat inaugure dans notre pays une nouvelle catégorie d'investissements. Ils rapportent peu à l'Etat, contribuent à violer les droits des populations, et peuvent coûter extrêmement chers en cas de recousu à l'arbitrage. Les accaparements fonciers sont en train de se transformer en véritable bombe à retardement économique et sociale, et il est urgent qu'une réflexion soit conduite pour corriger cette tendance.».


II- Les propositions concrètes du rapport

Un moratoire sur les nouvelles attributions de concessions, jusqu'à ce qu'un dispositif soit mis en place pour assurer une prise en compte de tous les titulaires de droits, y compris les droits coutumiers, dans les contrats ; - Une revue des contrats, dans le but d'en déterminer la validité (conformité aux procédures prévues par les textes en vigueur, et conformité des dispositions avec le droit national et les engagements internationaux de l'Etat), et assurer la publication de tous les contrats en cours de validité. Les autres devront être purement et simplement annulés. - Une identification des terres susceptibles d'être concédées, et l'établissement d'une carte. L'avantage de cette démarche est qu'elle permet un débat sur l'affectation des terres, et sur les autres utilisations possibles (usages communautaires, permis miniers, concessions forestières, etc.). Une analyse des alternatives possibles pour les espaces sollicités, et des résultats qu'elles pourraient produire en ce qui concerne l'augmentation de la production agricole nationale, la souveraineté alimentaire, l'amélioration de la situation économique des paysans notamment par la création d'emplois locaux. - Un processus consultatif au niveau local, et national, afin de s'assurer que les titulaires de droits sont identifiés, et qu'ils peuvent s'exprimer librement sur le projet d'affectation à la production agricole des terres dont ils sont riverains. La question des droits coutumiers devra être prise en compte dans ce processus. - Une discussion publique (au niveau local et au Parlement) des termes du contrat, surtout lorsqu'il est de longue durée, et peuvent actionner un mécanisme de protection internationale des investisseurs (dans le cas où la compagnie provient d'un pays lié au Cameroun par un accord bilatéral d'investissement par exemple, ou dans le cas où la compétence des juridictions nationales est expressément exclue par des dispositions contractuelles. - Un appel d'offres public pour l'attribution des concessions foncières. Seront pris en compte les propositions financières et techniques, et le projet social. Les plantations à grande échelle ne se feront pas en dehors des zones identifiées à cette fin dans le cadre du processus national de planification des terres mentionné ci-dessus. - L'établissement d'un contrat-type de concession foncière, qui permettra d'éviter les disparités actuellement observées entre les différentes conventions foncières signées par divers membres du Gouvernement. Le contrat-type pourrait entre autres éléments, prévoir : Une durée maximale de 30 ans, renouvelable et une superficie maximale de 50 000 hectares ; - Une soumission au droit national pour ce qui est de son exécution et du règlement des différends (règlement devant les juridictions nationales) ; - Une annulation du contrat de concession au cas où l'investissement ne serait pas réalisé pendant un délai à préciser. Cette mesure permettrait d'éviter que des spéculateurs gèlent des espaces en attendant que se présentent des opportunités de rétrocession de leurs droits ; - Une obligation d'obtenir l'accord de l'Etat en cas de modification de la finalité des terres concédées, ou de remplacement du cocontractant de l'Etat - La publication du contrat comme condition de sa validité (les contrats devront faire l'objet d'une publication sur le site internet du ministère compétent) ; -Le Gouvernement, en association avec le Parlement, identifiera les cas de conflits entre les cas de chevauchements entre concessions forestières, foncières et d'industries extractives (mines pétrole et gaz) ; - La désignation d'une administration qui aura la responsabilité de centraliser les contrats liés à la gestion des ressources naturelles au Cameroun (terres, forêts, mines, pétrole, gaz, etc.). Les attributaires de droits disposeront d'un délai pour porter à cette administration une copie de leur contrat.


 

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