Cameroun - Sud. Cameroun - Sangmélima - L’hôpital de référence: un serpent de mer

Souley ONOHIOLO | Le Messager Mercredi le 08 Octobre 2014 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
L’enquête du Messager sur une structure inopérationnelle, 7 ans après le vœu de Paul Biya

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 De 18 mois à 07 ans… pour l’hôpital de référence de Sangmélima

Paul Biya et le front du Dja et Lobo. Au rang des griefs que les ressortissants du département natal du chef de l’Etat Paul Biya (principalement ceux de Sangmélima), portent sur le régime du Renouveau, on peut citer : une vaine attente d’une Université d’Etat, le manque d’infrastructures routières, sanitaires, scolaires et sociales… Il y a le fait qu’en trois décennies de magistrature suprême, le frère du village nommé en 1982, président de la République et chef d’Etat du Cameroun par  Ahmadou Ahidjo,  n’a jamais mis les pieds dans la ville de Sangmélima. Même pas pour un bref séjour. Non plus pour une courte visite officielle. «L’eau chaude n’oublie jamais qu’elle était au départ froide» enseigne l’adage. Paul Biya oublie-t-il d’où il vient ? A Sangmélima, comme dans les arrondissements de la périphérie de la ville chef-lieu du département du Dja et Lobo, l’attitude du  «frère » démontre que Paul Biya est déconnecté ; que la proximité avec les siens est aérienne.

Ceux qui parlent de l’indifférence du chef de l’Etat avec les siens, font référence à cette poignée de main, entre Paul Biya et  Raphaël Mfou’ou Ebo’o, aujourd’hui décédé. Il s’agit de cet instituteur qui, dans son domicile, a accueilli le chef de l’Etat Paul Biya, lui a offert son toit pendant un an et demi. Comme enseignant,  Raphaël Mfou’ou Ebo’o est de ceux qui ont tenu dans sa classe celui qui deviendra plus tard le président de la République jusqu’à l’obtention de  son premier diplôme : le certificat d’études primaire élémentaire (Cepe) aujourd’hui devenu Cep. Après une dernière rencontre datant de 64 ans; entre le tuteur de Paul Biya dans le village de Nden et le président de la République, profitant du comice agropastoral de janvier 2011 à Ebolowa, le chef de l’Etat s’est rappelé de l’existence de son tuteur.

Revoici Paul Biya, dans une autre colère homérique avec ses frères de Sangmélima. Celle-ci porte sur la construction «sans fin» de l’hôpital de référence. Le projet de construction de cette  institution sanitaire appelée à faire la fierté de la ville, de toute la région du Sud et même de toute la sous-région Afrique centrale, devait durer 18 mois… Aux  nombreuses frustrations des populations de ne pouvoir bénéficier des soins, près de sept ans après, s’ajoutent  depuis quelques temps, des craintes et la méfiance; de voir des travaux s’achever au rabais. L’on redoute de voir cette institution sanitaire de référence devenir une coquille vide, avec des services en dessous des attentes.   Entre espoirs et désillusions, colères et lassitudes; des voix s’élèvent; des jérémiades de toute la ville de Sangmélima aussi.

A la faveur de l’installation, il y a quelques semaines, du directeur de l’hôpital de Sangmélima, plus que l’impression d’un ras-le-bol, l’évènement, par sa longévité, a laissé croire qu’on a rallumé les braises de la frustration. Les populations de Sangmélima, sont-elles fondées à penser que Paul Biya est piqué par le virus de l’indifférence ? Face à la dure réalité, liée à l’attente pendant des mois encore, afin de voir l’institution commencer à administrer les premiers soins, les populations mécontentes, désespèrent : plongées dans une ambiance lourde et chaude, où, baignent : scepticisme et mélancolie. Elles se plaignent d’un régime du Renouveau qui les nourrit des tartufferies et des promesses non tenues. Le Messager a fait le voyage du Dja et Lobo, à la découverte de «l’hôpital de référence de Sangmélima». Ou de ce qui en tient lieu.

Une enquête de Souley ONOHIOLO, envoyé spécial à Sangmélima


Dja et Lobo: L’hôpital de référence de Sangmélima : un serpent de mer

Triomphe de l’inertie: Si l’histoire de l’hôpital de référence vous était contée

Le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda, a remis les clefs d’un  hôpital non opérationnel, ni à même d’administrer les premiers soins, sous une ambiance lourde et pleine de déception des populations.

 Sangmélima, le 20 août 2014. Il est un peu plus de 11 heures, dans un coin de l’hôpital de référence de Sangmélima, principalement à l’esplanade de la morgue. Celle-ci qui a reçu à la va-vite, des coups de pinceaux, n’est pas fonctionnelle. Sa façade avant, sert simplement pour les besoins du décor devant accueillir la cérémonie d’installation du premier directeur de l’institution sanitaire encore en chantier. Contrairement aux usages, malgré les appels multiples lancés aux  populations par André-Noël Essiane, le maire de la ville et ceux de tous les arrondissements du département du Dja et Lobo, la foule ne fait pas foule. La face est sauvée par les responsables locaux du Rdpc, qui par crainte de l’humiliation et de la honte, auront mis des moyens pour transporter des « figurants en tenue du parti. Sur les visages de ces derniers, se lit une grande désaffection. Sous le voile d’un « rire-jaune », on peut bien observer que le ressentiment est à couper au couteau. L’écœurement à son comble. «En venant ici, on croyait qu’il sera possible que le directeur de l’hôpital et ses collaborateurs fassent des consultations et quelques premiers soins. Mais il n’en est rien. Nous sommes déçus car cela fait bien longtemps que nous attendons le grand moment de la mise en service de l’hôpital» s’indigne un des responsables du Rdpc, dépité.

Fait inhabituel en pareille circonstance, la cérémonie se limite au simple rituel des allocutions et de l’installation de l’heureux élu. D’espoir fou en amères illusions, les invités qui attendaient que  le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda, leur fasse découvrir les compartiments et installations de l’hôpital de référence, vont déchanter. Jusqu’à la veille, on faisait encore des bricoles, pour favoriser une ambiance de gaité lors de la cérémonie. Usant de ruse, le maire de Sangmelima ne cache pas sa mélancolie ; rappelant avec humour, dont il a seul le secret, «cette cérémonie de la pose de la première pierre, en date du 13 décembre 2007; celle au cour de laquelle, commis par le président de la République Paul Biya, le Premier ministre et l’ensemble de son gouvernement, avaient fait le déplacement pour procéder au rituel». Ecœuré, André-Noël Essiane, interroge toutes les difficultés qui ont plombé l’avancement des travaux ; les obstacles face auxquels s’est heurté le comité de pilotage. Il dénonce  la nonchalance et la léthargie d’un chantier qui était parti pour être livré après dix-huit mois.  «Il y a certes l’embarras des populations qui croyaient que ce jour était un moment solennel de l’inauguration. Il y a eu des interrogations face aux difficultés et retards. Nous pensons que les populations peuvent prendre leur mal en patience. Elles seront comblées de joie quand le président de la République, Paul Biya, mettra officiellement les pieds à de Sangmélima, après 32 ans de magistrature suprême, pour procéder à l’inauguration de ce joyau architectural» affirme le maire.


Evacuations sanitaires

L’hôpital de référence de Sangmélima, est un hôpital de 2ème degré dans la nomenclature des hôpitaux définis par le ministère de la Santé publique. «Vous avez les hôpitaux de 1er degré qui sont les hôpitaux généraux; en bas vous avez les hôpitaux de 2ème degré ; dont fait partie l’hôpital de référence de Sangmélima. Viennent après les hôpitaux de 3ème degré qui sont les hôpitaux régionaux et les hôpitaux de 4ème degré, dans les départements et les districts» avoue Alou’ou  Ze  Joseph, le directeur de l’hôpital. L’on apprend que dans la vision du chef de l’Etat, pour l’émergence du Cameroun, à l’horizon 2035, il voulait résoudre un problème ; celui des évacuations sanitaires hors du Cameroun, parce que cela coûte énormément cher à l’Etat. C’est dans ce sens qu’il a créé cet hôpital de référence. Au lieu que les populations aillent en Occident pour des soins intensifs, cet hôpital de référence était destiné à être le grand pôle de la sous-région Afrique centrale, pour pallier ce déficit. «Ce sont là, des motivations du président de la République. Il s’agit d’un hôpital appelé à résoudre plusieurs problèmes ; les évacuations au niveau international, et aussi au niveau sous-régional. L’on attendra des malades venant du Gabon, de la Guinée équatoriale, même du Congo ; surtout qu’on est en train de désenclaver ces zones-là» affirme un spécialiste.

D’autres attentes portées sur l’hôpital de référence de Sangmélima, sont ceux de voir l’institution sanitaire devenir un pôle attractif pour les hôpitaux satellites du département du Dja et Lobo; mêmes ceux de toute la région du Sud. Après sept années d’attente pour enfin voir les bâtiments sortir de terre, l’on espère que l’équipement, la dotation en matériels, en ressources humaines médicales et l’approvisionnement en médicaments suivront.  Il est à noter que c’est seulement le 20 mars 2014, que le président de la République, a signé le décret N° 2014/101 du 20 mars 2014 portant création, organisation et fonctionnement de l’hôpital de référence de Sangmélima. Suivra après ce texte, le décret 2014/1535 du 11 juin 2014 signé du Premier ministre nommant Alou’ou Ze  Joseph, à la haute fonction de directeur de l’hôpital de Référence de Sangmélima.

Souley ONOHIOLO à Sangmélima

 

Incurie: Le silence coupable des pouvoirs publics

A la différence du directeur de l’hôpital nouvellement au contact de la « patate chaude », ni les pouvoirs publics, encore moins les membres du comité de pilotage, personne ne veut s’exprimer sur le manque d’application observé dans les travaux de construction.

L’hôpital de référence de Sangmélima est constitué d’une panoplie de bâtiments. S’agissant des services, on peut citer : les services techniques et les pavillons sanitaires  que l’on retrouve dans les services de médecine des grands hôpitaux: la pédiatrie, la gynéco-obstétrique, l’Orl, l’ophtalmologie, la chirurgie-dentaire, la physiothérapie ; en médecine interne on a la gastroentérologie, la cardiologie, la pneumologie, la neurologie… Dans les spécialités chirurgicales, il y a la chirurgie générale. «Nous envisageons  l’achat du matériel de sémio chirurgie. On  voudrait évoluer pour faire la chirurgie cardiaque et même les transplantations d’organes» lance Alou’ou  Ze  Joseph.  «Votre parcours ainsi que l’état de vos services nous donnent de nouvelles raisons d’être optimistes quand à votre capacité à tenir le bon bout. L’instruction ferme que je vous donne ce jour est que cet hôpital, ouvre ses portes pour accueillir dans les prochains jours ses premiers malades. Vos premiers collaborateurs étant déjà désignés, vous vous attèlerez à les mettre au travail afin de vite prendre possession de cette belle et grande formation sanitaire. La vision prospective du gouvernement est de faire de l’hôpital de référence de Sangmélima, une «référence » à l’échelle nationale et sous-régionale. Tel doit être votre objectif quotidien». Ainsi s’exprimait le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda, lors de l’installation du directeur de l’hôpital de référence de Sangmélima. Tâche ardue, vivifiant challenge pour Alou’ou  Ze  Joseph qui, selon certaines langues, prenait possession d’un cadeau «empoisonné».

Pendant sept années, la construction de l’ouvrage a été torpillée. L’on a assisté à l’assaut des vautours et les charognards dont les visées étaient essentiellement portées sur les marchés. Ce qui explique la fragmentation des travaux, dans les procédures de passation des marchés. Le comité de pilotage, pourtant bien garni, a failli plusieurs fois, voler en lambeaux, à cause de l’affairisme et la cupidité de certains. Arrivé à la faveur du remaniement ministériel de septembre 2007, André Mama Fouda, trouve le projet de la construction d’un hôpital à Sangmélima; projet initié au mois de juillet de la même année par son prédécesseur, Urbain Olanguena Awono. Pour son baptême du feu, l’ingénieur polytechnicien, André Mama Fouda, prépare de bout en bout, la cérémonie de pose de la première pierre du  13 décembre 2007. Sept années après, en procédant à l’installation du directeur dudit hôpital, le ministre de la Santé publique s’est débarrassé plutôt de l’encombrant colis.


Un tonneau de Danaïdes

Gouffre à sous pour certains, sous-évaluation des travaux au démarrage, la construction de l’hôpital de référence de Sangmélima a été pensée sur des bases floues. A cela, il faut ajouter des batailles pour le déblocage de l’argent qui arrivait au compte gouttes. L’on a assisté régulièrement à des moments de psychose, l’assèchement des crédits des entreprises et même des arrêts de travail à cause des instants de grippe et d’antagonisme entre le coordonnateur des travaux et les entreprises. Le Messager a multiplié des offensives au ministère de la Santé, auprès des ingénieurs de travaux et même auprès de Dicksson, le coordonnateur des travaux de construction. Tous sont restés muets comme des carpes, personne ne voulant s’exprimer sur les retards et l’inertie. Approché pour négocier un rendez-vous avec le maître d’ouvrage ou quelques uns de ses collaborateurs, le chef de la cellule de communication en service au ministère de la Santé publique a donné une dizaine de rendez-vous au Messager, avant de baisser les bras, désarmé. « A l’endroit des entreprises qui ont en charge les travaux de construction et d’équipement de l’hôpital de référence de Sangmélima, vous êtes témoins ce jour de ce que le directeur de l’hôpital de Référence de Sangmélima est désormais installé dans ses fonctions. Il n’est donc pas question que son équipe soit retardée dans la prise de possession des divers pavillons et équipements de l’hôpital. Je demande à chacun d’entre vous d’activer plus que jamais les prestations restantes à réaliser afin que toutes les réceptions provisoires soient prononcées dans les prochaines semaines» a encore lancé André Mama Fouda.

Malgré l’enthousiasme et la volonté du directeur, il y a de nombreux challenges en perspective, avant que l’institution sanitaire ne soit au service des populations. Crédité d’une solide formation en médecine, Alou’ou  Ze  Joseph, connaît une riche carrière professionnelle. Il a exercé successivement, comme  médecin-chef à l’hôpital d’arrondissement de Dzeng dans le département du Nyong et So’o ; médecin-chef à l’hôpital d’arrondissement d’Akom II dans le département de l’Océan. Il entre en cycle de spécialisation en l’an 2000 et obtient en 2004, le diplôme d’études spécialisées en anesthésiologie. Il est sollicité par la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) et mis à la disposition du Centre hospitalier d’Essos où il est nommé deux ans après chef de l’Unité d’anesthésiologie et soins intensifs et en 2010, chef  de service d’anesthésiologie, réanimation polyvalente et bloc opératoire, poste qu’il occupe jusqu’au 11 juin 2014, date de sa nomination à l’hôpital de référence de Sangmélima.

Souley ONOHIOLO à Sangmélima
Dr. Joseph Alou’ou Ze:  «Nous allons bientôt ouvrir l’hôpital aux consultations publiques»

Joseph Alou’ou Ze est un médecin spécialiste en anesthésie-réanimation ; sous spécialisé en réanimation-métabolique, il connaît en profondeur les troubles aigues du milieu intérieur. Il est pour l’instant, le seul spécialiste de la sous-spécialité en réanimation-métabolique (la réanimation métabolique consiste à comprendre ce qui se fait dans les milieux intérieurs), au Cameroun, même en Afrique.

 
Après avoir fait le tour du propriétaire, êtes-vous satisfait du contenu?

Je dois dire pour ce qui est du matériel technique que tout est là ; et même un peu plus. C'est-à-dire que là où on attendait un équipement, on en a reçu trois ou quatre. Ce sont des équipements de pointe, qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans certains de nos hôpitaux au Cameroun. Nous avons un véritable matériel de pointe qui va nous permettre, de répondre favorablement à toutes les sollicitations, sur le plan médial. Nous pensons être bien lotis dans ce sens-là.


La question des spécialistes est le serpent de mer dans les institutions sanitaires du pays. Pensez-vous disposer de la ressource humaine pertinente, opérationnelle et capable de réagir sur toutes les maladies ?

C’est le défi majeur que nous avons dans cet hôpital. Le ministre de la Santé publique vient d’affecter quinze  spécialistes ; mais ce sont des collaborateurs qui sortent des écoles qui n’ont pas une grande expérience. On va se mettre à les former ; ce sont là les premières mesures que nous entendons prendre. Parce que pour l’instant, nous n’avons pas le personnel ; ni même la ressource humaine qui peut répondre à toutes les sollicitations ; répondre favorablement aux attentes des populations, par rapport à l’investissement qui a été fait et par rapport aux équipements de pointe. On espère que comme ce sont des jeunes bien entourés par des formateurs qui sont des Belges, des  Allemands et des Français, ils seront compétents après leur formation.


Au moment de votre installation, vous avez certes une institution sanitaire ; mais vous n’êtes pas capables d’administrer les premiers soins.

L’hôpital que je suis en train de prendre en charge est comme un enfant qui naît. On ne peut pas mettre en route au moment du démarrage tous les services qui conviennent à un hôpital de cette envergure. Nous comptons les mettre en place progressivement.  Je dois donc rassurer les populations qu’à partir de ce mois d’octobre, on va ouvrir les consultations externes ; commencer à recevoir les malades. Mais dans l’état actuel des choses, nous allons commencer par les formations, suivra la mise à disposition des équipements de pointe entre les mains des gens qui n’ont jamais manipulé ce type d’équipements. Que la population nous laisse un peu de temps et très bientôt nous allons ouvrir l’hôpital aux consultations publiques, aux malades.

 
Comment est-on parti de la création d’un hôpital de district à un hôpital de Référence ?

Je ne peux pas vous donner une réponse plausible par rapport à cette question. Mais je crois que dans la politique du chef de l’Etat, il faut s’arrimer à la modernité. Dans les pays voisins le Tchad vient de construire un grand hôpital ; idem pour la Guinée équatoriale. Il était de bon ton qu’au Cameroun, l’on ait un hôpital de cette envergure pour une bonne prise en charge des Camerounais. Nous avons des ressources humaines dans tout le pays ; il suffit de bien les motiver et de les prendre en charge : on peut faire plus que certains. En Afrique du Nord, les Européens vont souvent se faire opérer en Tunisie ; pourquoi ne pas les faire venir aussi au Cameroun  pour des interventions chirurgicales dans les meilleures conditions, avec des prix très abordables. L’enfantement comme on peut le constater, a été certes très difficile ; l’on était parti de dix-huit mois pour atteindre le cap de sept années. Je mesure le degré d’impatience et les inquiétudes des populations. En ce qui me concerne, cela fait à peine quelques mois que je viens d’être nommé. Je ne peux pas répondre avec beaucoup d’exactitude à certaines questions. Peut-être s’agit-il des problèmes conjoncturels ? Il faut poser la question à qui de droit.

 
Entre autres défis, il vous revient  de créer un hôpital ; de le rendre opérationnel. La grande spécificité étant que c’est l’hôpital qui se trouve dans le chef-lieu du département d’origine du chef d’Etat. Avez-vous conscience de la délicatesse de la tâche ?

Le principal challenge est celui de m’approprier l’outil. Prendre connaissance, appréhender l’hôpital et, de façon progressive, on va se mettre au travail ; créer l’organigramme, les services, les projets. En tout cas, on va se mettre au travail. On ne peut pas dire qu’en cette phase de démarrage, on peut fonctionner à plein régime. C’est de manière progressive, de fil en aiguille que nous allons atteindre la vitesse de croisière pour devenir, l’hôpital que tous les Camerounais attendent. Une référence dans la sous-région.

Entretien avec S.O. à Sangmélima
Mvogo Saint Fabien: «On peut évaluer le coût total de l’hôpital  à 20 milliards de fcfa»

 Chef d’orchestre du consortium « Hild international Bati service », il est au chantier le porte-parole et mandataire du groupement des entreprises qui se déploient dans le chantier.


Parti pour faire dix-huit mois, le chantier de construction de l’hôpital de référence de Sangmélima est à sa 7ème année et les travaux ne sont toujours pas achevés.

Il y avait des manquements énormes du concepteur. On ne pouvait pas avancer sans combler ces lacunes et manquements. Il y a eu aussi que le même concepteur, « Comète International », une entreprise tunisienne, a eu la maîtrise d’œuvre. Il avait du mal à accepter ces manquements. Il fallait que le ministre s’implique un peu plus pour analyser, vérifier et arbitrer. Il nous a donné raison, parce que tel que c’était conçu, cette institution sanitaire ne remplissait pas les normes d’un hôpital de référence digne de ce nom. Il a fallu beaucoup de temps, des négociations parfois houleuses et surtout une dérogation spéciale du premier ministre pour dépasser le plafond des avenants. Nous sommes convaincus que les manquements ont été justifiés.

 
A quel niveau d’implication se situe l’expertise des entreprises ?

La qualité des travaux est appréciée de tout le monde. C’est notre pays, nous ne devons pas faire des travaux comme si nous étions des étrangers de passage. Nous nous sommes appliqués, pour que les travaux soient bien réalisés. Il y a ici un matériel de pointe de dernier cri, d’un très haut niveau. Quand le ministre a compris la nécessité de faire mieux, il a accompagné les entreprises, et aujourd’hui, on peut être fier du bel ouvrage qui est sorti de terre dans cette ville de Sangmélima.


On peut évaluer à combien la construction de cet hôpital ?

Presque le double du prix initial. Au commencement, le gros œuvre était évalué à quatre milliards Fcfa. Si l’on tient compte des énormes manquements, nous avons atteint les huit milliards ; seulement pour la réalisation des gros œuvres. Si l’on y ajoute la dotation en matériels techniques et en équipements, telle que prévue, l’institution va faire affiche complète et sera un véritable hôpital de référence. Pour tous ces investissements, l’on peut évaluer cet ouvrage à prêt de vingt milliards Fcfa.


Comment convaincre les populations de Sangmélima qui attendaient leur hôpital après dix-huit mois ?

Les populations doivent comprendre qu’il fallait joindre l’utile et l’agréable. Il fallait que l’institution sanitaire remplisse les normes d’un hôpital de référence digne de ce nom. Il fallait que les travaux soient bien réalisés. On s’est heurté à un autre problème. Il y avait les matériaux et des matériels qui n’étaient plus disponibles sur le marché. Il fallait procéder au remplacement. Il fallait par exemple, changer le type de climatisation. S’il fallait prendre le matériel qu’on a prévu en 2007, mais qu’on ne vend plus, ça devenait délicat. Pire encore, quand bien même on le trouvait, il n’y avait plus les pièces de rechange. Voilà le travail d’hercule qui a été fait. Le ministre André Mama Fouda s’est vraiment beaucoup impliqué pour que nous ayons cet hôpital. Nous avons suivi son appel à ce que les entreprises qui sont encore sur le chantier finissent les travaux qui restent à faire, afin de laisser l’hôpital aux malades et au personnel soignant. En tant que mandataire, nous n’allons pas ménager nos énergies pour honorer cet appel. Il faut souligner qu’une entreprise qui va quelque part pour dix-huit mois et fait quatre vingt mois sur le chantier a déjà perdu beaucoup de temps et d’argent. Mais, nous voulons partir  d’ici, sur une bonne note avec des travaux bien réalisés. Et que les populations soient satisfaites. Mieux vaut tard que jamais.


L’on a parlé des désagréments et des gorges chaudes entre le maître d’ouvrage et les entreprises ?

Nous avons certes suivi que chacune des parties tirait la corde de son côté. Il y a eu beaucoup de surprises, parfois désagréables, pendant le déroulement des travaux. C’était normal, au regard des manquements et les irrégularités que j’ai évoqués plus haut. Imaginez-vous que vous prévoyez une enveloppe pour réaliser un ouvrage ; vous faites un appel des fonds que vous mobilisez. Mais au moment de passer à la réalisation, l’entrepreneur vous dit que l’architecte s’est trompé ; il faut le double. Personne ne peut être content. Le gouvernement ou l’Etat encore moins. C’était là le nœud du problème. Le maître d’ouvrage était en même temps floué par le concepteur et la maîtrise d’œuvre ; à coté de l’entreprise qui disait que les travaux ne pouvaient pas être réalisés à ce montant-là.

Entretien avec S. O. à Sangmélima
Post Scriptum: Maladies congénitales

L’hôpital de référence de Sangmélima a du mal à décoller. C’est le moins que l’on puisse dire au regard des soubresauts que connait son fonctionnement. Les causes de ses sautillements ont été indiquées et développées supra. Mais il faut, comme le suggérait le général De Gaule dans un contexte de crise en France, laisser l’écume pour s’intéresser à l’Océan et nous dirons même à la lame de fond. Qui en dehors des yeux doux  des plus hauts dirigeants du ministère de la Santé publique au Cameroun au président Biya a pu présider à eu l’idée de faire ériger un hôpital de référence à Sangmélima, quatrième  pôle économique seulement de la région du Sud  (après Kribi, Ebolowa et Kye-ossi) qui, elle-même est la région la moins peuplée du pays ? Car il semble que ce soit au nom de la démographie et des flux économiques importants que l’on peut décider de construire une formation sanitaire de référence, dans une localité, ceci impliquant le déploiement sur place, du nec plus ultra du matériel médical et paramédical et l’affectation d’une partie  la crème du personnel médical. Alors, Sangmélima, fusse-t-elle chef-lieu du département du Dja et Lobo, composé d’une demi-dizaine d’arrondissements, méritait-elle un hôpital de référence alors qu’à côté Kribi, plus importante de tous points de vue, Ebolowa, chef-lieu administratif ou au niveau national, Maroua,  Limbé, Garoua, Bafoussam ou même Bamenda et Bertoua peuvent le revendiquer ?

Pas sûr ! Le seul mérite de la ville aura été donc de jouir du statut de chef-lieu du département d’origine du chef de l’Etat. Le texte le créant a vite fait de sortir des parapheurs et l’hôpital est né. Et même sans infrastructure, il a été inauguré et une administration y a été affectée. Mais le comble, c’est qu’aucun malade ne peut prendre la direction de l’hôpital de référence de Sangmélima qui existe pourtant, qui est visible pourtant et qui est dirigé pourtant. La cause ? Il n’y a pas une quinine, pour emprunter à la trivialité d’une population déçue.  Ce gros retard dans la dotation en matériel de l’hôpital du village du président ne tient-il pas de la réalité et des besoins concrets du secteur de la santé ? Lesquels contraignent  les patrons de Yaoundé à accorder la priorité aux lieux où sévissent les «grandes maladies» comme l’hypertension artérielle et son cousin germain, le diabète ou encore l’arthrose,  le cancer, l’asthme, les hépatites etc. Ces lieux sont naturellement les métropoles. Ce sont elles qui ont le plus besoin  d’hôpitaux de référence.

Créé là-bas, même la nature, sinon la demande aurait incité à leur équipement. Car il n’est pas exclu que même suréquipé, un hôpital  de référence situé dans les profondeurs du Dja et Lobo soit plus utile au développement du pays qu’un autre qu’on aurait érigé à Garoua ou tout près, à Kribi. Mais le choix porté sur le  «village du président» avait-il seulement intégré les critères de démographie, de densité, de développement économique ? Ou alors a-t-il été fait sur les mêmes ressorts que celui de construire à Meyomessala, un marché moderne qui aujourd’hui est voué aux gémonies du fait de l’absence des commerçants qui, eux-mêmes déplorent l’absence des acheteurs. Le marché avait été offert par le Feicom (Fonds d’équipement intercommunal) à l’époque d’un certain Emmanuel Gérard Ondo Ndong, griot parmi les plus farfelus alors que Kye-ossi, dans sa Vallée du Ntem natale en avait plus besoin. Mais il fallait plaire au Prince…. Aujourd’hui rattrapé par cette maladie infantile, le marché de Meyomessala n’est plus qu’un amas  de béton… un vrai gâchis.

Rodrigue N. TONGUE

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