Cameroun - Sud. Comice agropastoral : pourquoi la régie est en cessation de paiement

Mutations Vendredi le 25 Novembre 2011 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
11 mois après la fête du monde rural organisée à Ebolowa du 17 au 22 janvier dernier, les prestataires de services courent toujours après le paiement de leurs factures. Conséquence: les chantiers sont à l’arrêt, les opérateurs ruinés et des entreprises ont fait faillite. Où sont passés les fonds du comice? Pourquoi la régie est-elle en cessation de paiement? Nous sommes repartis sur les traces de ce comice dont on n’arrêtera jamais d’en parler.

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Vendredi 25 juin 2011 à Ambam dans la région du Sud. Les opérateurs du secteur hôtelier se retrouvent pour la 5ème assemblée générale du syndicat patronal des industries de l'hôtellerie et du tourisme (Spiht). Baba Hamadou, ministre du Tourisme, comme à l’accoutumée, préside les travaux. Aussi, les journalistes présents à cet évènement vont-ils saisir cette occasion pour s’enquérir du destin réservé à l’hôtel du Comice. Car, 11 mois après l’évènement, rien n’a bougé sur le chantier. «Je pense que les travaux vont reprendre. Si vous êtes passés par le chantier ces derniers jours, vous avez certainement vu que ce qui se passe là-bas, c'est du solide qui annonce quelque chose de magnifique plus tard», indique Baba Hamadou.

Sur cette réponse évasive du ministre, les journalistes reviennent à la charge et le pousse à bout. «L'hôtel n'est pas le seul chantier du comice qui piétine à Ebolowa ; mais je peux vous assurer que tous ces chantiers qui ont connu un arrêt momentané vont redémarrer», lance-t-il au moment où on annonce l’entreprise chinoise Zhong Bhao, chargée de la construction de cet édifice hors du pays. Pour le ministre, ce sont des informations dénuées de tout fondement. Sur le site du chantier, les ouvriers chinois encore présents ne parlent pas.

Leur activité favorite c’est la pêche dans le lac municipal. Pour ce qui concerne la construction de l’hôtel trois étoiles de classe internationale à Ebolowa dont le budget avait été arrêté à 9 milliards de Fcfa, des sources au ministère de l’Agriculture et du développement rural (Minader), maître d’ouvrage du Comice, indiquent que l’entrepreneur n’a pas perçu le premier décompte de 1,8 milliard de Fcfa qui avait été visé.

«Sur un budget de 9,5 milliards de Fcfa, l’on a signé le déblocage de 1,8 milliard de Fcfa comme avance de démarrage à l’entreprise chinoise. Mais, au moment où ils sont arrivés au ministère pour être payés, l’argent était fini», témoigne sous anonymat un cadre du ministère de l’Agriculture. Aussi, précise la source, sur cet argent, le reste des fonds prévus pour ce projet n’a pas été engagé ; ce qui complique le redémarrage des travaux. Et pourtant, les entrepreneurs chinois, selon des sources au Minader, ont préfinancé plusieurs travaux. Malgré les relances adressées à la régie du Comice, c’est le mutisme total.

A l’image de ces entrepreneurs chinois, plusieurs autres entreprises ont adressé leurs factures à la régie du Comice, placée auprès du Minader, pour payer les prestataires. Les sociétés chargées de réaliser les travaux sur de la voie de contournement, la cité municipale, l'hôtel de ville, l'hôtel municipal, le parc du lac, le marché de Mfoumou, l’agence régionale du Crédit foncier et son complexe résidentiel, l’usine de montage de tracteurs agricoles et bien d’autres, n’ont rien perçu de la régie du Comice depuis le mois de janvier. D’après le délégué régional des Travaux publics du Sud, Nicaise Ayissi, «Satom a adressé des décomptes pour le paiement des prestations déjà réalisées au Minader qui tarde à réagir». Quant à Florent Samuel Mbabe, chef du village Mvam Essakoe, «Satom, après avoir financé le gravillonnage, a demandé à l'Etat de financer les finitions, l'enrobé notamment. Mais, face au silence, l'entreprise a arrêté les travaux en fin mars. Tous les ouvriers ont été remerciés».

Budgets

Au Minader, personne ne veut s’exprimer sur le sujet à visage découvert. Mais, des sources proches du dossier laissent entendre que les tensions de trésorerie sont à l’origine de la cessation de paiement de la régie du Comice. «Une semaine après le Comice, tous les paiements ont été arrêtés ; parce que la régie n’était plus fournie en ressources financières. Tout ce qui a été réglé jusqu’ici l’a été sur avance de trésorerie», indique un cadre du Minader qui souligne que cette situation a ruiné des individus, mis plusieurs entreprises en difficulté, voire en faillite. «Nous sommes inondés par des coups de fil, des dossiers qui s’amoncellent et les requêtes des prestataires. Certains ont même menacé de faire des soulèvements avant les élections mais ils ont été découragés par les autorités», explique une source proche du dossier.

Si les tensions de trésorerie peuvent expliquer et justifier l’assèchement des caisses de la régie, d’autres personnes invoquent le manque de programmation de cet évènement tant dans le budget 2010 que de 2011. «Les gens font comme si le Comice les avait surpris ; aucune programmation n’a été faite. On a été obligé de racoler comme on a pu pour qu’il se tienne», lance en colère une source au Minader. Une improvisation confirmée au ministère des Finances. «Que ce soit les cinquantenaires ou le Comice, aucun de ces trois évènements n’a été budgétisé ; il n’y a aucune rubrique faisant référence à ces évènements dans le budget 2011 ou même 2010. Ce qu’on a fait c’est qu’on a opéré des coupes dans les budgets des différents ministères pour constituer cette caisse ponctuelle ; et une fois que l’évènement s’est achevé, la régie a cessé de fonctionner parce qu’il n’y avait plus d’argent», explique un cadre du Minfi.

Le budget du Comice était de 40 milliards de Fcfa indique des sources au Minader. A ce jour, y assure-t-on, des paiements de l’ordre de 20 milliards de Fcfa ont déjà été effectués. Le reste à payer s’élève 20 milliards de Fcfa. «Il faut ajouter les restes à engager comme l’hôtel du Comice qui a encore environ huit milliards de Fcfa à engager, sans compter que l’entrepreneur n’a pas touché l’avance de démarrage qu’on lui avait consentie», indique une source proche du dossier. Si la régie est en cessation de paiement, c’est, indique Guy Roger Zo’o Oloumane, délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine d’Ebolowa, à cause de l’utilisation irrationnelle des budgets. «Depuis janvier, les paiements ont ralenti sur les chantiers du Comice à cause d'une mauvaise gestion du budget», lance-t-il. Le 14 juillet 2011, une mission composée des émissaires de l’Armp et de la présidence de la République se rend à Ebolowa à l’effet d’évaluer les chantiers du Comice.

Ce jour-là, toute la ville se mobilise et la réunion se tient loin des médias. Mais des informations glanées ça et là, annoncent des choses plutôt graves. «Les têtes vont bientôt tomber sur la gestion des fonds et des chantiers du Comice. La descente sur le terrain du Dg de l'Armp a été instruite par le chef de l'Etat lui-même. Il y a des révélations assez sensibles sur ce dossier. C'est pour cela qu'aucun média n'a été admis à la séance de travail», laissait entendre un membre de la mission.

Au Minader, des sources indiquent que des instructions venues de la primature pour éponger cette ardoise de 20 milliards de Fcfa furent ignorées au ministère des Finances. Là-bas, c’est la même réponse : «il n’y a plus d’argent ; les ministères doivent s’approprier ces projets et les programmer pour l’exercice budgétaire à venir. Ce n’est que comme ça que les gens pourront être payés». Une option confirmée au Minader.

Une enquête de Pierre Célestin Atangana

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