Affaire Kamto. Cameroun : La météo et le météore
C’est une lapalissade. Les dérèglements climatiques ont rendu la météo insaisissable. Les prévisions de pluie ou de canicule sont désormais purement théoriques lit-on dans un éditorial de Par Georges Alain Boyomo, DP du quotidien Mutations.
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Dans l’arène camerounaise, la météo a pris un tour déroutant la semaine écoulée, loin des prédictions des climatologues politiques. Le dialogue national annonçait certes un vent de pardon, de plus ou moins grande amplitude, après la fin de la palabre, sous forme de grâce présidentielle. Dans son message à la nation du 10 septembre, le chef de l’Etat a levé un coin de voile sur la question. Cela supposait que la justice devait rendre son verdict avant toute chose.
Mais le ciel politique camerounais, lourd des nuages de la crise anglophone et de la crise post-électorale, a été subitement zébré d’éclairs suite à deux décisions présidentielles dont le timing météorique et la tectonique sont remarquables. L’arrêt des poursuites contre 333 personnes accusées d’avoir commis des délits dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, mais surtout contre les responsables et une centaine de militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) a fait l’effet d’une pluie de saison sèche.
Pour ce qui est du Mrc, l’abandon des poursuites décidé par le chef de l’Etat est salutaire pour au moins cinq raisons :
1- A travers ce fait du prince, le Cameroun redevient fréquentable sur le plan démocratique et du respect des droits humains. Quelle que soit la raison invoquée, il était difficilement concevable que le candidat classé deuxième à l’élection présidentielle, et donc, théoriquement le leader de l’opposition, croupisse en prison, à la veille d’un nouveau cycle électoral, qui prévoit les législatives, les municipales et les régionales ;
2- L’acte pris vendredi et ses suites clôturent symboliquement et définitivement le contentieux de la présidentielle 2018, en confortant le verdict rendu par le Conseil constitutionnel ;
3- Il coupe l’herbe sous les pieds des ultras tant de l’opposition que de la majorité, qui avaient bipolarisé et hystérisé le débat public et, pire, fait commerce de la détention de Maurice Kamto et compagnie pour semer le venin du tribalisme dans le corps social ;
4- La décision présidentielle rebat les cartes au sein du landerneau politique. Fort de sa percée à la présidentielle et de son affichage de parti-martyr du pouvoir, le Mrc ira aux prochaines consultations électorales avec une plus grande envie et, sans doute, une plus forte capacité de pénétration et de persuasion. Les autres forces politiques doivent donc revalider leurs stratégies pour ne pas être balayées par le mouvement;
5- L’arrêt des poursuites contre les responsables et militants du Mrc évite une dispersion d’objectifs et d’énergies. Elle recentre les Camerounaises et les Camerounais, tous bords politiques confondus, sur la principale cause nationale de l’heure : la recherche de la paix dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
A l’analyse donc, le président de la République marque des points à travers les actes de décrispation pris la semaine dernière. Il reste à transformer l’essai. La chape de plomb sur les manifestations publiques des forces d’opposition doit être levée. Le système électoral doit être toiletté pour garantir l’acceptation de la sentence des urnes et accroître la légitimité des élus. Des pistes et d’autres pour restituer au jeu politique son caractère noble et républicain. Des mesures clairvoyantes afin que la météo politique ne soit plus jamais à l’orage au Cameroun.
Georges Alain Boyomo
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