. LIBERTÉS PUBLIQUES AU CAMEROUN : COMME C’EST SI FACILE LA PRISON !

cameroun24.net Lundi le 29 Juillet 2019 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Dans l’une de ses galettes musicales à succès, Lapiro de Mbanga (07/04/1957-16/03/2014) annonçait en 2008, la présence de « tout le monde à Kondengui ».

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NDLR : Cet article a été publié sur ce même site le 11 juin 2019. À la faveur des récents événements dans nos prisons, nous vous le proposons à nouveau afin qu’il fasse peut-être tâche d’huile.

À bien y regarder, il n’avait pas seulement vu juste, alors même que le Code de procédure pénale était déjà en vigueur ; mais il avait prophétisé sur ce que vivent les camerounais aujourd’hui, notamment avec les querelles politiques issues de la crise post-électorale du 07 octobre 2018 (ce que certains, de mauvaise foi sans doute, tentent de nuancer) et la guerre dans le NoSo.

En effet, il ne se passe pas un seul jour sans que les camerounais ou ceux qui vivent sur le territoire, ne soient confrontés à des situations ubuesques et jetés en prison, comme ça, sans ménagement ni voie de recours. Or, selon l’esprit et la lettre du Code de procédure pénale qui avaient fait naître en 2007 un grand espoir du côté des acteurs de la justice en général, et des défenseurs des droits humains en particulier, « LA LIBERTÉ EST LE PRINCIPE, LA PRISON L’EXCEPTION » !

Cela signifie que ni un officier de police judiciaire, c’est-à-dire les commissaires de police de plus en plus nombreux (réforme du corps oblige) et les commandants de brimades (non, de brigade), ni les magistrats spécialement chargés de réguler les libertés publiques (procureur de la République, juge d’instruction), ni personne d’autre, ne DOIT enfreindre à ce principe que lorsque le mis en cause est, soit dans une situation qui pourrait l’amener à s’enfuir, soit qu’il aurait commis une infraction si grave qu’il ne saurait rester en liberté (protection de la société), soit alors qu’il est en grave situation de flagrance.

C’est notamment l’expression de l’article 21, alinéa 1 du Code de procédure pénale qui précise que : « Hormis le cas de crime passible de la peine de mort, le mandat d'arrêt peut contenir la mention que la personne à arrêter sera remise en liberté si elle produit les garanties qu'il énumère ». On comprend dès lors la prescription de l’article 37 du même texte qui donne des gages de liberté en ces termes : « Toute personne arrêtée bénéficie de toutes les facilités raisonnables en vue d'entrer en contact avec sa famille, de constituer un conseil, de rechercher les moyens pour assurer sa défense, de consulter un médecin et recevoir des soins médicaux, et de prendre les dispositions nécessaires à l'effet d'obtenir une caution ou sa mise en liberté ».

Qui, au Cameroun aujourd’hui, peut-il bénéficier de telles dispositions aussi pertinentes et claires ? N’est-ce pas l’expression même du constat selon lequel le Cameroun reste l’un des meilleurs discoureurs d’Afrique, mais aussi l’un des piètres praticiens en son genre ?
Comment pourrions-nous expliquer, en effet l’inculpation et la détention provisoire prolongée d’un journaliste au simple motif qu’il aurait commis un délit de presse ? Comment peut-on expliquer l’arrestation, puis l’inculpation d’un médecin censé apporter des soins aux populations alors même que le ratio médecin-population est loin d’être atteint au Cameroun, du simple fait qu’il aurait marché ? Comment expliquer l’arrestation et la détention provisoire d’un ancien ministre de surcroît chef d’un parti politique représenté à l’Assemblée nationale, officiellement 2ème à l’élection présidentielle ; un ancien Conseiller du président de la République, des Avocats, des Enseignants d’université, des Conseillers municipaux et autres au motif qu’ils seraient subitement devenus « hostiles contre la patrie » ? Ces personnes-là ne sont-elles pas fichées, n’auraient-elles pas un domicile connu, des garanties de représentation ? Ne pourrait-on pas les assigner à résidence ou quelque chose de ce genre ? N’y aurait-il pas mieux que la prison pour toutes ces personnes de haute qualité dans un pays qui en manque pourtant cruellement ?

Et que dire de toutes ces pauvres populations qui sont écrouées tous les jours pour un simple oui ou pour un simple non, au seul motif qu’ils n’auraient pas « montré patte blanche » ? Ou alors, ces détenus d’opinion issus de la crise dans le NoSo ?

Cette situation qui contribue à ternir l’image de marque du Cameroun et à accroitre considérablement et sans motif valable la population carcérale au Cameroun, est pourtant bien connue des décideurs. Voilà pourquoi, Cameroon-Tribune, le 18 août 2016, s’appuyant sur un rapport du MINJUSTICE, nous renseignait déjà de ce que nos prisons avaient 9 000 personnes de trop par rapport aux 17 000 places disponibles. Face à cela, le Garde des sceaux (l’actuel titulaire du poste, M. Laurent Esso), à l’occasion de la réunion annuelle 2016 des chefs des Cours d’appel et des délégués Régionaux de l’administration pénitentiaire, insista sur l’application des peines alternatives et la relecture du Code de procédure pénale qui semblait déjà changer de trajectoire pour remettre au goût du jour la loi qu’elle avait abrogée, à savoir le Code d’instruction criminelle.

Mais, comme le dit l’adage, les habitudes ont la peau dure : les arrestations se poursuivent, les détentions provisoires (y compris en violation des règles procédurales) et les emprisonnements à la pelle aussi. Ainsi, l’essentiel des avancées de l’État de droit patiemment construites sous l’ère Biya, essentiellement en matière des libertés publiques (dont les marches), sont en train de s’éroder, comme peau de chagrin, curieusement avec la prise en main du pouvoir par la jeune génération. C’est pourquoi une vraie question de fond devrait être posée : cette jeune génération à la manette, est-elle vraiment prête à assumer la postérité du Cameroun en cas de vacance subit au sommet de l’État, notamment en empêchant de conduire « tout le monde à Kondengui » ?
 

EMMANUEL MIMBÈ.

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