Cameroun - Nigeria. CAMEROUN: L’économie souffre de l’infiltration de Boko Haram dans le pays

Ngala Killian Chimtom | IPS Jeudi le 09 Février 2012 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
YAOUNDE, 8 fév (IPS) – Ahmadou Lamine a été contraint de fermer, au Cameroun, son commerce de vente de carburant importé du Nigeria, localement appelé "zoa-zoa", à cause du groupe islamique extrémiste Boko Haram.

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Lamine, originaire de Maroua, la capitale de la région de l'Extrême Nord du Cameroun, a connu une rupture de stock après que le Nigeria a temporairement fermé sa frontière avec la région du nord du Cameroun. La décision a été prise à la suite des attentats à la bombe le jour de Noël contre des églises du Nigeria par Boko Haram, qui ont tué des dizaines de personnes.

"Les conducteurs de motos qui nous approvisionnaient en "zoa-zoa" auprès du Nigeria voisin ne pouvaient plus le faire. J'ai été obligé de fermer mes locaux de commerce", a déclaré Lamine à IPS. "Je ne sais pas comment je vais faire pour payer le loyer, encore moins nourrir ma famille et payer les frais de scolarité de mes enfants", a-t-il ajouté.

La fermeture de la frontière a eu un impact économique négatif sur cette région. Les prix du carburant ici ont doublé, passant de 50 cents le litre à environ un dollar. Et une tendance similaire est enregistrée avec d'autres produits d’importation en provenance du Nigeria comme le sucre, le lait, la farine, les boissons, les bonbons et les oranges.

"C'est difficile", a confié à IPS, Alima Aïssatou, une ménagère à Maroua. Elle a montré son panier presque vide qui aurait été précédemment rempli d’aliments achetés au marché principal de Maroua. "Comment pouvez-vous nourrir une famille avec cela?", a-t-elle demandé.

La fermeture de la frontière affecte non seulement les affaires et les ménages, elle a également entraîné une réduction des recettes douanières. Le chef par intérim du poste de douane de Maroua, Philémon Tamfu, a dit à IPS que l'impact de la fermeture de la frontière était plus fortement ressenti "à Limani, Fotokol, Kolofata et Kouseri, toutes des villes frontalières dans la région de l'Extrême Nord où toutes les entrées et sorties (douanières) sont enregistrées".

S'adressant à IPS par téléphone, le chef de poste de douane de Limani, Alain Symphorien Nzie, a déclaré que la zone percevait 239.000 dollars tous les 10 jours en recettes douanières, en moyenne 718.000 dollars par mois. Mais quelques semaines après la fermeture de la frontière, elle arrivait à peine à générer 50.000 dollars. Limani, une ville frontalière, abrite des citoyens camerounais et nigérians.

"J'ai dû improviser tous les moyens possibles pour parvenir à percevoir les 50.000 dollars. Ce montant est susceptible de continuer à baisser si le blocage continue", a-t-il dit au sujet du quota minimal que les services des douanes doivent atteindre.

Une tendance similaire a été notée dans la ville frontalière de Fotokol. Au lieu des 40.000 dollars qui sont généralement perçus au cours des 10 premiers jours de janvier, seulement 4.000 dollars ont été reçus.

L’agence internationale d’information CNN a cité des responsables du commerce et des agents de douane à Maroua qui auraient affirmé que près de 80 pour cent de l’économie de la région a chuté depuis la fermeture des frontières.

Les frontières du Nigeria avec le Cameroun restent scellées puisque la nation la plus peuplée d'Afrique craint que le groupe extrémiste Boko Haram ne puisse être en train d’utiliser les parties septentrionales du Cameroun comme base.

Cela se produit après la découverte d'une cache d'armes dans l'Etat de Borno, dans le nord du Nigeria, qui auraient été introduites clandestinement depuis le Cameroun. Ces armes comprenaient des fusils AK47, des pistolets, des lance-roquettes, des bombes, et des câbles de détonation de bombe.

Le gouvernement du Cameroun est préoccupé par le fait que ce groupe extrémiste puisse être en train de s'infiltrer et de s'installer dans le pays. Le site Internet 'Wikileaks' a révélé que le président Paul Biya a exprimé ces inquiétudes dans une conversation avec l'ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Janet Garvey.

"Biya était préoccupé par la menace de l'extrémisme islamique… Il commençait à s'inquiéter de l’infiltration des extrémistes islamistes au Cameroun à travers les mosquées du pays depuis le Nigeria", a indiqué 'Wikileaks'.

L'ancien ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya, avait également exprimé des craintes similaires à l'ambassadeur. Il aurait déclaré: "Il y avait beaucoup de gens désespérés parmi les communautés musulmanes dans le Nord, et à Douala en particulier, et certains d'entre eux avaient de l'argent de manière inexpliquée". Douala est la capitale économique du pays.

Les témoignes sur le terrain estiment que Boko Haram s’est déjà infiltré au Cameroun. A Lagdo, une localité de la région de l'Extrême Nord, des villageois ont signalé que des gens portant des perles longues et des foulards rouges ou noirs sillonnent la zone et propagent la doctrine extrémiste du groupe.

"Ils sont venus ici et m'ont affirmé que tous nos problèmes sont causés par l'éducation et des idées occidentales", a indiqué à IPS un habitant de Lagdo, pendant qu’il jetait un regard furtif autour. "Ils ont également dit qu'ils me donneront beaucoup d'argent si je rejoignais leur groupe. Ils avaient l’air dangereux, alors j'ai menti que j’examinerais leur proposition. Je crains qu'ils ne reviennent".

La menace d'infiltration du groupe au Cameroun a mis en alerte les autorités politiques, traditionnelles et celles chargées de la sécurité.

Le 19 janvier, le gouverneur de la région du Nord, Gambo Haman, a déclaré: "Boko Haram qui est en train d’être chassé du nord-est du Nigeria, ainsi que les milliers de soldats tchadiens fugitifs en situation irrégulière ici, doivent être surveillés de près pour éviter des troubles indésirables sur tout le territoire national".

Il a ajouté que la surveillance a été renforcée et que beaucoup de centres d'apprentissage du Coran ont été fermés, et leurs enseignants sont surveillés de près par les services de renseignements. 

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