Cameroun - Culture. Pourquoi les télénovelas font courir au Cameroun

Aïcha Nsangou | Mutations Lundi le 20 Juillet 2015 Culture Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Selon des professionnels, leur succès est dû à l’absence d’une production locale.

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Une jeune et belle fille, issue d’une famille extrêmement pauvre, se fait renverser par une voiture. Le conducteur est un beau jeune homme, riche. Ils se regardent, tombent amoureux sur le coup mais n’arrivent pas à vivre pleinement leur amour par la suite parce que la famille de l’homme ne veut pas d’une fille indigente pour son fils. Le scénario est connu. C’est celui des télénovelas. Ces séries sud-américaines à l’eau de rose, diffusées sur les chaînes de télévisions camerounaises. Anne Bella en est une inconditionnelle. Donnez-lui un nom de série et elle vous déroule aussitôt l’intrigue qui y est développée. «Ces séries relatent la vie de tous les jours, la langue de bois des hommes, la méchanceté des êtres humains, la persévérance qui finit par porter ses fruits. Tous les soirs, je suis au rendez-vous», lance cette femme au foyer.

Marimar, Rosa Salvaje, mademoiselle, Luna, Au cœur du péché, La fille du jardinier, Le triomphe de l’amour… sont quelques noms de ces séries télévisées diffusées par des chaînes de télévision camerounaise. Pourquoi ces télénovelas font-elles courir les Camerounais ? Jean Marie Mollo Olinga semble avoir trouvé la réponse. Selon le critique cinématographique, cela s’explique par «l’absence de créativité au sein des télévisions camerounaises, mais aussi des cinéastes du terroir. Les chaînes de télévisions peuvent motiver les cinéastes à écrire les scénarii pour les adapter à l’écran.» Avis partagé par la réalisatrice Hélène Ebah. «La propension des télénovelas dans nos pays est due au vide laissé par l’absence d’une production africaine efficace et qui copie mal. Si on décide d’améliorer notre production, on peut arriver à faire des formats comme ceux des télénovelas parce qu’en réalité, la télénovela s’impose aussi à cause de son format et à la manière de raconter des histoires», dit-elle.

Mais au-delà de cette absence d’offre en matière de programme made in Cameroun, Jean Marie Mollo Olinga dénonce le fait que «ces séries soient diffusées en prime time. Ce qui fait que les gens s’y habituent.» Avec les valeurs que ces télénovelas véhiculent, on court tout droit, selon le critique cinématographique, vers la dépravation des mœurs. «À force de regarder les histoires des autres, nous finissons par nous y intéresser, par créer en nous un processus d’adhésion parce que des personnages sont animés de sentiments et dégagent des émotions, créent en nous de la sympathie», révèle Diakité Mamadou, auteur d’un mémoire en sciences et techniques de l’information et de la communication à l’université de Ouagadougou.

Critique

Selon ce dernier, « à un moment donné, cela crée en nous un processus d’identification, en ce sens que notre propre environnement ne nous permet plus d’avoir des repères culturels. Alors, ce que nous avons eu comme éducation, contenu, comme moule socio-éducatif, s’effrite au fur et à mesure que nous nous intégrons dans la dynamique de ces télénovelas.»  Les femmes semblent être les plus accros à ces séries. La raison : elles ne savent pas créer la distance entre ce qu’elles voient à l’image et elles, regrette Jean Marie Mollo Olinga. Une image, on en a vu de forte la semaine dernière dans un épisode d’un feuilleton diffusé sur une chaîne de télévision privée camerounaise. Deux femmes s’embrassant sur la bouche. Même si le baiser fut bref, il a indigné plus d’un.

«Il y a une certaine aliénation culturelle. Ceux qui regardent ces séries pensent que tout ce qui vient de l’extérieur est meilleur que ce que  nous avons. Alors qu’il faut essayer de changer les choses en développant une estime de soi-même, en essayant de montrer ses réalités de se connaître soi même», explique Aboubacar Demba Cissokho, journaliste culturel à l’agence sénégalaise de presse, en séjour au Cameroun. Sa consœur du site d’informations ivoirien Rythmafriq.com, Orphelie Thalmas, pense que les Africains sont plus à la recherche du rêve que d’autre chose. La cyberjournaliste prône le romantisme à l’africaine. «Vous avez des séries comme Jacob Cross d’Afrique du Sud, Adam Apple du Ghana où on trouve également du romantisme», relève Orphelie Thalmas.  «Ces télénovelas ouvrent trop de porte à la naïveté. Une jeune fille pauvre qui s’en sort, c’est trop facile», critique la journaliste culturelle. La récente création des chaînes de télévision Novelas tv et Nina tv, qui diffusent les télénovelas en continu, n’est pas pour régler le problème.

 

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