Cameroun - Politique. Cameroun: Président cherche ministres désespérément

Eric Essono Tsimi | Slateafrique Mercredi le 09 Novembre 2011 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
À la fois un casse-tête et un casse-cou pour Biya, la composition du prochain gouvernement est une échéance majeure pour le Cameroun.

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Le premier gouvernement du nouveau septennat comporte des difficultés particulières. Si par le passé, il lui avait suffi d’être un funambule jouant sur les équilibres régionaux, aujourd’hui le challenge est tout autrement complexe, car s’y ajoutent les équilibres des appétits et des egos qu’il devra satisfaire.

Le président Biya a conquis par les urnes une légitimité qui malheureusement ne lui suffit pas. Il lui faut encore délégitimer jusqu’au bout l’opposition, en minant davantage sa crédibilité. Cette visée implique une ouverture au SDF (Social Democratic Front), première force d’opposition depuis le retour du multipartisme en 1990. Le parti de John Fru Ndi rentrera vraisemblablement dans le gouvernement.

L’ancien ministre des transports Dakolé Daissala, président d’un parti politique, n’y est pas allé par quatre chemins pour proposer ses services, arguant de ce que le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) ne devait pas truster la victoire de Biya, qui appartiendrait au Cameroun tout entier.

Plusieurs candidats malheureux, à l’instar de Fritz Ngo, Feuzeu, Soh Fone, ont fait des appels du pied au RDPC… Il est peu probable que l’un d’eux parvienne à obtenir un poste de ministre. L’on a observé la présence assurée de Garga Haman Adji lors de l’investiture du président Biya. Il est une espèce de caution morale et populaire dont le régime de Yaoundé ne saurait se passer. C’est le Jean-Pierre Chevènement des Camerounais.

Il a certes par le passé démissionné de fonctions de responsabilité (Ministre, CONAC, Comité nationale anti-corruption), mais l’on n’hésitera pas à l’associer à nouveau pour asseoir les fondements d’un pouvoir qui devra se raffermir dans ses bases pour résister aux courants déstabilisateurs qui ne vont pas manquer de le secouer.

Garga Haman Adji est probablement le seul candidat à être pratiquement assuré d’intégrer le prochain gouvernement de monsieur Biya. La tradition dans ce pays étant la nomination de technocrates, d’universitaires, plutôt que de simples politiciens de métier, ce qu’est par exemple John Fru Ndi, libraire de profession, politicien par spécialisation.

La «jurisprudence» Hogbe Nlend
Hogbe Nlend Henri est un politicien épisodique camerounais. Plusieurs fois dans les «biographies» qui sont faites de lui, on lira:  «il  a  été  le  premier …»  D’un  point  de  vue  chronologique,  cela permet  de  comprendre bien des choses. Le Cameroun est un pays si jeune que tous ceux qui sont nés avant 1940 doivent logiquement être plusieurs fois «le tout premier…» en un domaine ou en plusieurs. 

C’est toujours plus intéressant de savoir quand ils sont les meilleurs: Il aurait été Co-lauréat  de la médaille Albert Einstein de l’UNESCO. Ah quand même! Ce n’est pas la médaille Field, mais c’est une reconnaissance non négligeable.

En 1997, profitant du boycott de John Fru Ndi, il est sorti second après Biya et a par la suite intégré le gouvernement comme ministre de la recherche scientifique et technique. Le SDF avait jusqu’ici boudé toute participation à un gouvernement du RDPC. Mais les jeunes loups, comme Joshua Osih, ouvertement ambitieux en rêvent, même s’il est dans son parti le plus insusceptible d’être appelé par Biya.

Ceux qui ne devrait plus être ministre
Eyébé Ayissi, ministre des relations extérieures, a été promu à cette dernière fonction en 2007, à l’occasion du limogeage de son ancien ami, Atangana Mebara, aujourd’hui détenu à la prison centrale de Kodengui dans le cadre de l’opération Epervier.

C’est essentiellement à la chute de son «frère», qui l’avait rappelé auprès de lui quand il avait été fait ministre de l’enseignement supérieur, que cet ancien ministre sous Ahidjo, puis Biya, jusqu’en 1992, doit son retour dans les faveurs du président Biya.

A la base, il suscite moins de ferveur de la part des populations qui en sont venues à regretter l’éphémère ministre Eloundou Mani, et lui préfèrent en tout état de cause Essimi Menye, ministre des finances, avec lequel il est en concurrence puisqu’ils sont tous originaires du même arrondissement (Obala): ce qui est une entorse inhabituelle au principe d’équilibre régional.

En l’occurrence son départ devrait profiter à Ndong Benoit Souhmet, Directeur Général de l’Enam (Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature) qui rêve d’une promotion ministérielle depuis des années. Son élection comme membre du comité central du RDPC est peut-être une indication de ce qu’il pourra faire partie du gouvernement.

Mais la surprise la plus forte peut provenir du «congé technique» qui pourrait être accordé à Jacques Fame Ndongo, que l’on imagine plus tard siéger dans le sénat qui sera enfin mis sur pied. Marafa Hamidou Yaya (ministre de l’administration territoriale), au sujet duquel la presse s’est enflammée devrait également partir. On l’accuse de vouloir «être calife à la place du calife», ce qui est une raison suffisante pour exhumer des dossiers compromettants qui en feraient une énième victime de l’opération épervier.

Ceux qui sont attendus
Si le rapprochement entre Fru Ndi marque une détente, il ne signifie pas l’entrée du chairman au gouvernement Biya. En revanche, certains de ses lieutenants ont des chances d'obtenir un porte-feuille. En raison de sa modération qui correspond aux profils généralement privilégiés par Biya, l’honorable Joseph Mba Dam, député SDF, devrait être nommé.

Outre le député Joseph Mba Dam , l’excellente madame Kambiwa, femme de grande intelligence, compétente et discrète, membre du «shadow cabinet» du SDF, et membre du présidium de l’internationale socialiste, pourrait fort bien faire son entrée dans la cour des grands.

Par ailleurs, l’opinion publique se montre vivement intéressée par l’éventualité d’une nomination d’Esther Dang. Cette ancienne cadre du parti, ancien Directeur Général de la SNI (société nationale des investissements), économiste de formation, a ridiculisé certains ministres RDPC dans les plateaux de télévision d’Africa 24, allant jusqu’à exiger la présence de Biya.

Les Camerounais, selon elle, ignorent jusqu’à «la structure de la pensée» de leur président, ils ne l’ont jamais vu débattre, se prêter au jeu d’une conférence de presse dans son pays… En dépit de son faible score, Esther Dang présenterait psychologiquement et stratégiquement un gage de renouvellement et de réelle ouverture aux compétences.

Des surprises peu surprenante
Les Camerounais voudraient d’un gouvernement qui travaille à leur bonheur, qui en soit l’agent principal et l’arbitre, qui pourvoie à leur sécurité, prévoie et assure leurs besoins, facilite même leurs plaisirs, conduise avec intégrité les affaires publiques, leur ôte la peur du lendemain et la misère actuelle. Un tel gouvernement ne saurait se faire avec tous ces séniors qui rassemblent en leurs mains trop de pouvoirs et, paradoxalement, au même temps, toute impuissance à impulser un véritable changement.

Par-delà les changements que l’on espère sans vraiment les attendre, il y aura forcément un saupoudrage des hommes qui accompagneront le président vers sa sortie ou plus exactement qui dérouleront le tapis rouge à son fils Franck Biya. Il n’est donc pas exclu que le prochain gouvernement soit en partie inspiré des recommandations du fils du président ou des orientations que le président lui-même aura choisi de donner à l’avenir politique de son rejeton.

Avec le décès d’Augustin Fréderic Kodock, l’on pourra enfin voir émerger de nouvelles têtes dans l’UPC (Union des populations du Cameroun) susceptibles de représenter le parti historique dans l’écriture de l’histoire du Cameroun. Quant à la société civile, l’expérience malheureuse de Pauline Biyong, qui a été démissionnée d’Elecam, organisme censé superviser l'élection présidentielle de 2011, suite à un parjure ne rend pas la réédition de l’expérience imminente.

Dans tous les cas, il ne faudra pas seulement renouveler, il faudra aussi rajeunir (ou mourir!) ce gouvernement qui ne compte aucun quadra: la moyenne d’âge est actuellement de 64 ans environ pour une population très majoritairement jeune: suivant des statistiques officielles plus de 42% de la population a moins de 15 ans! Mais en définitive, Paul Biya reste le seul maître véritable du jeu, les projections et analyses n’ont qu’une valeur spéculative, intellectuelle, pour des conclusions plus pratiques: wait and see!


 

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