Cameroun - Nigeria. Boko Haram hisse son drapeau à Blagochi

GUIBAÏ GATAMA | L’Oeil du Sahel Mercredi le 11 Juin 2014 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
La secte Boko Haram a mené sans succès plusieurs attaques dans cette unité administrative.

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Au matin du 07 juin 2014, des membres de Boko Haram ont franchi la frontière au niveau de Tourou, dans le département du Mayo-Tsanaga. «Ils ont attaqué le poste de gendarmerie situé dans le quartier Hora, aux environs de 8h », explique un riverain joint au téléphone. Une information confirmée par des sources militaires. Ce que les assaillants ignoraient, c’est que le dispositif de sécurité dans cette bourgade a été renforcé depuis que la secte a pris, il y a quelques jours, la totalité du contrôle du secteur de l’autre côté de la frontière.

Outre des militaires, des éléments du Gpic ont été convoyés dans la zone. D’où l’opposition des forces de l’ordre qui a mis en déroute les assaillants. Le bilan est cependant lourd. L’armée camerounaise déplore la mort d’un de ses éléments, le caporal chef Adjoro. Un autre, le sergent Oulbaïssou, a été blessé. Deux Camerounais sont aussi tombés sous les balles perdues, dont un certain Zarwa Guidjawa. Un autre a été blessé. A côté de ces victimes, une jeune fille a été embarquée de force par les éléments de Boko Haram.

Du côté des assaillants, deux corps ont été retrouvés ainsi que deux armes AK 47 et de nombreuses munitions. Les forces camerounaises ont aussi détruit un pick up. «La secte récupère toujours ses corps et quand elle ne peut pas le faire, elle leur coupe la tête. Donc, en dehors de ces deux corps, il est probable que nous en ayons liquidé beaucoup plus», renseigne une source qui a participé aux combats. En route vers leur base de repli au Nigeria, les assaillants ont fait escale dans un village appelé Blagochi. Là, ils ont descendu le drapeau du Cameroun qui flottait devant la chefferie pour y installer le leur. «Ils étaient nombreux et armés et nous ne pouvions leur opposer aucune résistance.

Ce n’est que longtemps après que nous avons redescendu leur drapeau, mais ils ont promis de revenir afin de s’assurer que leur drapeau est bel et bien en place», renseigne un riverain. C’était jour de chance pour le village. Car sous la pression de l’armée, le groupe d’assaillants a préféré retourner au Nigeria. Mais le premier village qu’ils ont rencontré sur leur chemin et qui s’appelle Goché a payé les frais de leur colère. Selon des populations nigérianes qui se sont refugiées par la suite au Cameroun, les assaillants ont incendié les maisons et tué plusieurs personnes. Du village, il n’en resterait plus rien aujourd’hui.

Le lendemain 8 juin 2014, dans la matinée, des éléments de Boko Haram ont de nouveau harcelé les positions camerounaises dans la même localité de Tourou, créant un mouvement de panique au sein des populations déjà passablement apeurées par les informations fournies par les réfugiés nigérians en provenance de Goché. Au moment où nous allions sous presse, aucun bilan n’était encore disponible.

DROIT DE POURSUITE

Les attaques de Tourou remettent sur la table le débat sur le droit de poursuite entre le Nigeria et le Cameroun. Longtemps, le Nigeria en a fait une pomme de discorde, présentant cette exigencecomme l’un des facteurs décisifs de son combat contre la secte Boko Haram. Aujourd’hui donc, il semble avoir une inversion du problème. De fait, l’armée nigériane a perdu toute initiative en plusieurs endroits de sa frontière avec le Cameroun dans l’Etat de Borno. Et c’est désormais à partir de ces «zones vides» que partent les attaques contre les positions de l’armée camerounaise et de plus en plus contre les villages situés le long de cette grande frontière.

Et, une fois mis en déroute, les éléments de Boko Haram retraversent tranquillement la frontière où ils ne rencontrent aucune résistance. «L’exigence du droit de poursuite était l’arbre qui cachait la forêt. L’armée nigériane ne parvient plus à poursuivre les insurgés dans son propre pays où ils occupent des pans entiers du territoire, notamment dans le nord-est du pays. Comment mener ensemble, dans ces conditions des opérations ? Cette situation nous expose dans la région de l’Extrême-Nord parce qu’elle nous laisse directement en face de la secte et nous devons résoudre le problème sans compter sur l’appui de l’armée nigériane», résume une source haut placée dans l’armée.

En clair, sur des centaines de kilomètres à l’Extrême-Nord, le Cameroun est désormais face à un territoire totalement sous la coupe réglée de la secte Boko Haram. Pis, sans droit de poursuite pour l’armée camerounaise, il ne lui reste plus qu’à se livrer avec la secte à un jeu du chat et de la souris avec le risque qu’il étire, à terme, ses capacités et oblige les populations frontalières à replier vers l’intérieur du pays.

Le Cameroun en est finalement à espérer un regain de vitalité de l’armée nigériane pour réduire significativement les capacités de nuisance de la secte. «Hier, les Nigérians appelaient à une franche collaboration du Cameroun pour en finir avec la secte et voici à présent que la solution pour nous se trouve dans un sérieux engagement de l’armée nigériane le long de la frontière. Ce qui est paradoxal, c’est que tout se passe comme si Boko Haram est désormais une rébellion camerounaise adoubée par le gouvernement nigérian et disposant des bases le long de la frontière de l’autre côté du Nigeria, tant elle est à son aise dans ses bastions», conclut un gradé de l’armée en poste dans l’Extrême-Nord du pays.

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