Lutte contre Boko Haram. INSÉCURITÉ TRANSFRONTALIÈRE : Qui se cache réellement derrière Boko Haram ?

Amadou Soulé | Le Détective Mardi le 04 Aout 2015 Opinion Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Au départ, des prises d’otages comme mode opératoire.

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Un juteux business, décriait-on alors, pour lequel de gros bonnets de la République originaires du Grand-Nord,en intelligence avec des chefs religieux et les ravisseurs, se frottaient les mains. Puis après, des attaques itératives d’une cruauté indescriptible, souvent repoussées par les forces  de  défense.  Et  aujourd’hui,  des  attentats-suicides  à  répétition,  qui  plongent  le  Cameroun  tout  entier  dans  la psychose. Mais pourtant, le black-out persiste autour de ceux qui se cachent derrière le mouvement djihadiste dont Abubakar Shekau est le leader.

Pendant les années 90, c’était le Mouvement d’émancipation  du Delta du Niger (MED), qui tenait tête au gouvernement  central  d’Abuja.  Ce Mouvement qui était bien armé et bien  entraîné  aux  tactiques  commandos,  s’en  prenait  aux  intérêts étrangers en enlevant des ingénieurs contre fortes rançons. Si le MED n’avait pas de visé politique, tel n’est pas le cas avec Boko Haram, qui signifie littéralement, la civilisation occidentale est un pêché.

Sociologiquement, ce mouvement politico-religieux revendique une certaine  authenticité  africaine, fondée sur la religion musulmane, par l’application de la Charia comme valeur de référence dans la  gouvernance  politique  au Nigéria  à  l’inverse  des  normes occidentales. En raison notamment de la porosité de la frontière longue de 1700 km entre le Cameroun et le Nigeria, Boko Haram s’est vite répandu au Cameroun, particulièrement  dans  la  région  de l’Extrême-Nord,  où  le  mouvement a commencé à faire parler de lui à travers des prises d’otages, des expatriés pour la plupart.

La première en date a eu lieu le 19  février  2013.  La  famille  de Tanguy Moulin-Fournier, de nationalité française, un cadre de GDF Suez, son épouse Albane, leurs quatre fils âgés de 5 à 12 ans, et Cyril, le frère de Tanguy sont enlevés à l’intérieur  du  parc  national  de Waza, région de l’Extrême-Nord par des combattants, qui les conduisent  au  Nigéria.  Depuis,  c’est devenu fréquent. Et à chaque fois, ils en tirent bénéfices. Dans cette opération, les islamistes ont réussi à faire libérer leurs détenus des prisons camerounaises. Ils se sont également fait les poches. Tanguy Moulin-Fournier et sa famille ont été libérés et échangés contre une douzaine de prisonniers et une rançon d’environ 3,5 milliards de F CFA.  Ferdinand  Ngoh  Ngoh, secrétaire général de la Présidence de la République, mène les négociations.  Entre  autres  intermédiaires  associés,  Amadou  Ali, vice-Premier ministre chargé des Relations  avec  les Assemblées, des élus du peuple originaires du Grand-Nord  et  des  chefs  religieux.

La mafia autour des enlèvements

Peu  de  temps  après,  Georges Vandenbeusch, un prêtre catholique français de 42 ans, est à son tour enlevé dans la nuit du 13 au 14 novembre 2013, à Nguetchewé, région de l’Extrême-Nord. Quelques jours plus tard, son enlèvement est revendiqué par Boko Haram. Des sources crédibles font état de ce que des mallettes bourrées de francs CFA ont été versées en échange de la libération du prêtre français. Les mêmes acteurs cités plus haut sont à la baguette. Dans la nuit du 4 au 5 avril 2014, à Tchère, à environ 20 km de Maroua, deux autres prêtres, cette fois de nationalité italienne, Giampaolo Marta et Gianantonio Allegri, et une religieuse  canadienne,  Gilberte  Bussière, sont enlevés par des hommes armés. Encore Boko Haram est soupçonnée mais ne revendique pas l’enlèvement.

Les trois religieux sont finalement relâchés dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2014 contre une forte rançon.  Dans la nuit du 16 au 17 mai 2014 encore, des islamistes transportés par cinq véhicules attaquent un camp de travailleurs du secteur routier, près de Waza. Un civil chinois est tué, et 10  autres  sont  enlevés  par  les assaillants.  Les  assaillants  ne  s’en prennent pas qu’aux seuls expatriés. L’épouse  et  les  proches  du  vicePremier ministre très impliqué dans la mafia de la libération des ex-otages sont à leur tour pris en otage. Ils sont, eux aussi, libérés par leurs ravisseurs. A plus d’une reprise, le président de l’Assemblée nationale, l’honorable Yéguié Djibril, lui aussi originaire de la région de l’Extrême-Nord, a eu à donner des indications susceptibles de voir plus clair sur l’identité de ceux qui se cachent derrière Boko Haram.

Mais les autorités compétentes n’ont jamais jugé utile d’interroger plus en profondeur la troisième personnalité du Cameroun dans l’ordre protocolaire, qui bénéficie de surcroît de l’immunité parlementaire. Celle-là même qui vient de se séparer de son garde du corps, accusé de tentative d’enlèvement.

Mode opératoire

Boko  Haram  n’a  jamais  été  aussi agressif qu’en ce moment. La menace se fait de plus en plus pressante. Ce sont des milliers d’individus, des innocents, qui tombent sous les balles de Boko Haram. Au début de l’insurrection, c’était des Chrétiens qui étaient massacrés dans des églises notamment au Nigéria. Mais depuis un certain temps, il n’y a plus de distin ctio n  en tr e  Ch r étien s  et Musulmans, plus de cibles précises. Désormais, les frappes pleuvent de partout  et  contre  n’importe  qui. Suffisant pour que certains avancent la thèse selon laquelle les massacres de Boko Haram visent la déstabilisation  du  Cameroun  à  partir  du Grand-Nord. Ces derniers, à tort ou à raison, croient savoir que des puissances étrangères tirent les ficelles dans l’ombre. D’autant plus que les événements et le mode opératoire de Boko  Haram  renvoient  à  des connexions très complexes, impliquant  des  services  de  renseignements très futés. Ce qui explique la puissance militaire de ce mouvement et ses sources de financement pour se procurer les armes les plus sophistiquées.

Acculé  et  traqué  depuis  plusieurs mois, Boko Haram a changé de stratégie : semer la terreur sur son passage en envoyant des kamikazes, de petits enfants, pour faire la sale besogne. Ce qui rend encore plus complexe cette guerre asymétrique pour laquelle les vaillantes forces armées camerounaises sont engagées, avec à leurs côtés l’armée tchadienne. Nul doute que la plus haute autorité de l’Etat aurait déjà pris la pleine mesure du caractère mouvant de la menace si elle n’était pas bernée par les fausses assurances de certains de ses proches, en intelligence avec une hiérarchie  militaire  aux  compétences douteuses.
 

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